Argumentaire

     L’OMS (2016) considère que la mission des Soins Infirmiers dans la société est d’aider les individus, les familles et les collectivités à déterminer et à réaliser leur plein potentiel physique, mental et social et à y parvenir dans le contexte de l’environnement dans lequel ils vivent. Il s’agit d’une mission qui s’étend très largement au-delà de l’administration des soins dans les milieux cliniques et pour laquelle aucune autre profession n’est aussi bien préparée. C’est donc une mission angulaire de la santé des populations et dont la restriction au milieu clinique enferme le système de santé dans un hospitalo-centrisme vecteur d’accroissement de la morbimortalité.  Pour le Conseil International des Infirmières (CII, 2002), les Soins Infirmiers comprennent la promotion de la santé, la prévention des maladies, les soins aux personnes malades, handicapées ou en fin de vie ; la défense des intérêts ; la promotion d’un environnement favorable ; la recherche ; la participation à la mise au point des politiques de la santé, à la gestion des patients et des systèmes ainsi que la formation font également partie des rôles déterminants des soins infirmiers. La profession infirmière est donc celle qui promeut la santé de la population, défend les droits de tous, dont ceux des personnes vulnérables, fournit des soins tout au long de la vie, éduque la collectivité pour améliorer la santé et le bien-être (CII, 2019).

     Aujourd’hui l’Afrique fait face à de très nombreux défis de santé qui interpellent les infirmiers et les sages-femmes, notamment la gestion des endémies (paludisme, fièvre typhoïde, etc.), des épidémies (poliomyélite, rougeole, choléra, fièvre Ébola, etc.), des pandémies (Covid-19, VIH/Sida, etc.), des maladies chroniques non transmissibles (maladies cardiovasculaires, cancers, diabètes, maladies respiratoires chroniques, etc.). Elle fait également face au défi de la réduction de la mortalité maternelle et infantile. À l’origine de la plupart de ces grands problèmes de santé se trouvent très souvent des environnements défavorables à la santé et des comportements à risques tels le déficit d’hygiène et de salubrité, une alimentation inadéquate, la consommation abusive de substances psychoactives, la sédentarité, etc. Ces défis concernent également la fourniture de soins de santé de base, continus, de qualité et sécurisés à l’ensemble de la population. Il s’agit là d’une question d’équité dans l’accessibilité aux soins de santé et l’autonomisation de ces populations. Un autre défi, spécifiquement pour la gestion des maladies chroniques, concerne la collaboration interprofessionnelle pour une meilleure gestion intégrée de ces pathologies. L’on observe généralement que les personnes qui ont des comorbidités sont écartelées entre plusieurs prestataires de soins qui ne se concertent ou ne se partagent pas l’information. À ces différents problèmes qui entravent une offre de soins de santé de qualité, il faudrait ajouter de profondes insuffisances dans la réglementation et l’organisation des systèmes de santé qui ne permettent pas toujours une meilleure contribution des différents acteurs du système de santé. À titre d’exemple, l’on peut évoquer l’organisation de la santé communautaire au niveau des centres de santé, des aires de santé et des districts de santé où le fonctionnement est encore basé sur le paiement direct des soins de santé. Ou encore, l’on observe un déficit de financement du paquet d’activités communautaires, exception faite pour les zones bénéficiant des financements PBF de la Banque Mondiale.

     Face à ces nombreux défis qui plombent la santé des populations, une réorientation de la promotion des sciences infirmières apparaît donc urgente. Quels ajustements sont-ils nécessaires au cadre réglementaire et à l’organisation du système de santé pour une meilleure contribution des sciences infirmières à la santé des populations ? Au vu des besoins en santé de plus en plus croissants des populations, quelles sont les compétences infirmières nécessaires pour une réponse socialement et culturellement ancrée ? Quels sont les curricula que peuvent proposer les universités pour fournir aux systèmes de santé des ressources infirmières correspondant à leurs attentes ? Comment vulgariser les missions de l’infirmier auprès des populations pour améliorer la connaissance de la profession infirmière et son attractivité auprès des jeunes, dans un contexte où elle n’est pas le premier choix de carrière des postulants ? Quels ajustements faut-il apporter à la promotion de la recherche en sciences infirmières en vue du développement et du transfert du savoir infirmier dans la pratique clinique et communautaire en Afrique ? Quelles expériences développées dans d’autres contextes peuvent être transférées dans les systèmes de santé en Afrique pour une promotion efficace des Sciences Infirmières ?

     Les contributions pour ce colloque se structureront autour de sept principaux axes : l’identité infirmière, la valorisation de la profession infirmière au sommet stratégique, la recherche en sciences infirmières, les défis en lien avec les curricula de formation, les représentations sociales de la profession infirmière, l’expatriation des ressources humaines.